Maxime Le Forestier
Maxime Le Forestier - Le fantôme de Pierrot songtekst
Je score:
LE FANTÔME DE PIERROT Paroles: Maxime Le Forestier, musique: Patrice Caratini, 1976 Assis sur son croissant de lune, Pierrot attend Que quelqu'un lui rende sa plume. Depuis le temps, Depuis le temps qu'on la lui vole Pour envoyer des petits mots, Pierrot va prendre la parole. Écoutez bien Pierrot. Assis sur son croissant de lune En spectateur, Depuis sa luisante tribune De nos malheurs, Pierrot a tant de choses à dire Que si vous ne vous dépêchez De lui donner de quoi écrire, Pierrot va se mettre à crier: "J'étais vivant, Messieurs, Mesdames, J'étais vivant Quand je jouais les mélodrames De pantomimes en mimodrames. J'étais vivant, Et si je taisais souvent, C'est que l'amour est bien plus beau Avec des mains qu'avec des mots. Eh, regardez ce qu'on a fait de moi: Un habitant béat de vos pays lunaires Et qui, à force de se taire, S'en va rêver tout seul. Pourtant j'étais fils de révolte Avec mes comédiens, De Colombine désinvolte En singe d'Arlequin, La pièce n'est pas si gentille Quand le valet Vole la fortune et la fille De celui qui le paie. Tu as bien applaudi, merci Tu t'es levé, tu es parti. T'étais vivant, Messieurs, Mesdames, T'étais vivant, Quand tu venais aux mélodrames De pantomime en mimodrames. T'étais vivant Et si tu payais pas souvent Au moins, tu savais t'en aller Quand le spectacle était mauvais. Eh, tu as l'air de quoi dans ton fauteuil, A écouter bêler ce gratteur de guitare? Regarde-moi, et puis compare Si tu as encore un oeil. A moi tous ceux qui me ressemblent, Les valets, les piétons, Timides, muets, ceux qui tremblent Devant tous les bâtons, C'était des coups de pied aux fesses, Des cris de joies Que j'espérais dans cette pièce Que vous jouez en bas. Quand le dénouement va venir Je se rai trop vieux pour applaudir. Descends de ton croissant de lune Juste une fois Si tu ne veux pas pour des prunes User ta voix. Rester là-haut, c'est un peu comme Si tu criais dans un désert. Descends de là, si t'es un homme, Te battre avec la terre. Assis sur son croissant de lune, Pierre répond: "Moi qui ne suis un homme en aucune De vos façons, Moi qui suis fait de différences Tantôt tout blanc, tantôt tout noir J'arrive au pays des nuances Tout est grisaille ici ce soir. Avez-vous regardé d'abord Le pays qui vous sert de piste. Je n'ai jamais vu de décor Si sinistre. Quel est donc ce décorateur Pour qui le sinistre est de mise Et qui ne sait qu'une couleur: La grise? Quel est donc ce peintre maudit Qui a dessiné sur la toile La toile de fond de Paris En y oubliant les étoiles? Comme ton costume a changé! Où sont les carreaux de ta veste? Arlequin, ton masque est jeté, Tu restes, Sans ton chapeau, sans tes manies, Tu restes le perdant qui gagne Mais qui ne gagne que sa vie Au bagne. Comme ton allure a changé! Plus de sauts, plus de cabrioles. Tu vas au boulot résigné. C'est ton auto qui te console. Colombine, quel est l'auteur Qui a pondu pour toi ce rôle Ni gai, ni simple, ni charmeur Ni drôle? Depuis qu'un tas d'honnêteté T'a prise avec lui en ménage, Femme dans cette société Tu nages. Tu nages dans tes draps de lit, Tu nages dans l'eau de vaisselle. A tant te battre, tu oublies Que de mon temps tu étais belle. On ne te vole plus ton or, Harpagon, Pantalon, Cassandre. Il a bien grandi le trésor A prendre Et tu possèdes, maintenant Que tu as pris goût aux affaires, Les rois, les hommes, les enfants La terre. Comme on ne te reconnaît plus Sous tes sociétés anonymes, Jamais les coups de pied au cul Ne peuvent trouver leur victime Et toi tu joues, Messieurs, Mesdames, Et toi tu joues Ce lamentable mélodrame De pantomime en mimodrame. Et toi tu joues. Es-tu sûr d'arriver au bout? Sans t'apercevoir à la fin. Que ce contrat ne valait rien Eh, tu as l'air de quoi dans ton habit. S'il suffisait d'avoir un peu de maquillage Pour se changer coeur et visage, Tu serais un génie. Tu sais, c'est pas écrit d'avance, Juste un petit dessin. Ça s'improvise, ça se danse, Tu peux changer la fin. Cesse de rabâcher ton texte, Mauvais acteur. Saute sur le premier prétexte Si tu n'as pas trop peur. De mon silence, enfin, je sors. Écoute-moi, fais un effort. Tu vas mourir, Messieurs, Mesdames, Tu vas mourir Pour terminer le mélodrame De pantomime en mimodrame. Tu vas mourir Sans avoir jamais su sourire. Le rideau tombe et demain soir On te remplace et ça repart. Va-t'en sur ton croissant de lune, Pierrot bavard. Tu vas déchaîner la rancune Du désespoir. Si t'es venu dire à la terre Que cette vie mène au trépas, Reste muet, reste lunaire. On ne t'en voudra pas. Assis sur son croissant de lune, Pierrot s'en va.