Je me ferai bouleau ou marronnier pensif
ou bois mort ou caillou ou rivière sauvage
je me ferai moulin, immobile attentif
et j'ouvrirai les bras aux oiseaux de passage

je me ferai hibou dans la nuit paysanne
égrenant le silence de clocher en clocher
je me ferai château quelque part en montagne
tu sais de ces châteaux qui ne sont qu'un rocher

je me ferai cosaque ou sultan ou indien
ou marché africain sur les bords de la mer
et de tous les secrets, je serai le gardien
et de tous les messages, l'émissaire

je me ferai cheval, cheval et cavalier
et la terre muette n'y verra que du vent
je me ferai planeur, je me ferai voilier
je me ferai danseur enfin déséléphant

alors témoin nomade d'un mouchoir en dentelles
d'un pays déchiré, pourtant du même sang
je me ferai trottoir d'une ville nouvelle
et j'apprendrai à lire dans les yeux des passants

je serai, si tu veux, cette plaine si vieille
qu'on y entend encore la mer et son murmure
même en n’oubliant rien des sorciers de la veille
je me ferai demain... je me ferai futur...

et d'ours mal dégrossi, je deviendrai parole
parole, ce sera beau et je m'en irai même
je m'en irai t'attendre juste devant l'école
et je crierai tout haut : “ je t'aime ...je t'aime ...
je t'aime ...”