v’là l’printemps qui ramène
ses troupeaux d’ailes blanches
au grand feu
au grand feu nos migraines
nos morts nos malechances
les tonneaux déjà vides
et quelques vieux bouquins
au grand feu
les remarques stupides
les jugements mesquins

au grand feu au grand feu
tout ce qui est à brûler au grand feu

au milieu des pneus lisses
des tailles d’aubépine
au grand feu
des papiers de milice
des poteaux des racines
j’ai le souhait secret 
d’y jeter cette fois
au grand feu
le merveilleux portrait 
de la reine et de son roi

nous n’y reverrons plus
ni françois ni lucien
au grand feu
les chapeaux vermoulus
l’histoire des anciens 
leur ultime pelisse
est de peau de sapin 
au grand feu
les manteaux les chemises 
les culottes de lin

l’hiver s’en va s’en va bien
il emporte sa faux
au grand feu
les vieux os de mon chien
les jeunes des chevreaux
l’hiver s’en va qu’il s’en aille
je mènerai gentiment
au grand feu
une charge de paille 
pour son enterrement 

si tu avais en passant
quelque chose à ajouter
au grand feu
tes ennuis tes tourments
toutes tes hostilités
une femme au printemps
c’est plus beau que l’été
au grand feu
rendons-nous en chantant
fêter nos libertés.