ils marchent dans la brume
mi par gré, mi par force
et n’ont que leur costume 
à mettre comme écorce
ils marchent lentement 
comme au long d’une grève
refaisant patiemment
le chemin de leurs rêves
ils vont le front brûlant
et le rire en détresse
les soucis sont pesants
quand manque la tendresse
ils content leur malheur
c’est leur dernier combat
et pourquoi avoir peur 
de raconter ses joies

la lune est pleine de gosses marrants
de soleils et de ruisseaux poissonneux
pleine de clowns aux souliers encombrants
bottant le cul de marchands soupçonneux
la lune est pleine d’un vieil homme heureux
un peu de terre au bout de chaque doigt
et d’eau de mer au fil de ses cheveux
qui racontent l’océan quelquefois

celui-ci est assis
échoué sur le seuil
épave fièrement
plantée sur son écueil
il cache sa misère 
en comptant ses maisons
sous son cache-poussière
il croit qu’il a raison
celui-ci est debout
l’arme sous l’oreiller
il croit qu’il est debout
et dort tout habillé
tous ceux-là ont choisi
faut plus les déranger
un oeil sur le fusil
l’autre sur l’étranger

la lune est pleine d’une danse espagnole
de mariniers couchés sous les étoiles
naviguant sans drapeaux sans boussole
sur les baleines, ils iraient à cheval
la lune est pleine de Zorba le Grec
d’une chanson arrachée à la nuit
d’une main rude sur un ventre trop sec
d’un pied de nez aux prisons de l’ennui

moi je vais avec eux 
ni devant ni derrière
sous les pavés crasseux
j’invente la lumière
la lune est pleine de gosses marrants