bonsoir te v’là déjà
j’t’attendais pas d’sitôt
en fait t’es bien plus tôt
qu’les autres fois
comment ça va au bois
est-ce que ça avance 
as-tu revu l’écureuil
qu’on avait vu dimanche
il y a une lettre
du gars qui était venu
nous aider l’an dernier
à refaire la haie
et ta mère a sonné
pour prendre des nouvelles
de ta santé

les enfants sont rentrés
un peu tard de l’école
j’ai pas encore eu le temps
d’retirer les scaroles
le marchand est passé
porter l’orge et l’avoine
et la p’tite a dormi 
toute l’après-midi
y’avait un mot d’l’école
c’est demain paraît-il
que passe le médecin
pour faire les vaccins
j’ai pas envie qu’ils aillent
d’ailleurs c’est pas très bon
pour la santé

j’ai rentré les lapins
il était temps d’le faire
ils s’ront mieux dans les cages
pour y passer l’hiver
j’ai écouté la radio
toute la matinée
la viande et le tabac 
ont encore augmenté
on ne prévoit pas mieux
pour la fin de l’année
dans la métallurgie
la scierie licencie
et l’usine où travaille 
le mari de ta soeur
va s’arrêter

je pense souvent à toi
au milieu des oiseaux
debout dans un sous-bois
marquant des baliveaux
des images stupides
qui viennent comme ça
j’ai bien envie parfois 
d’autre chose avec toi
les commerçants font grève
jusque jeudi matin
et si tu t’arrêtais
toi aussi dès demain
on irait voir la mer
ou nos amis

on irait voir le bois
on irait tous les deux
on coup’rait juste de quoi
se réchauffer un peu
on pourrait très longtemps
jouer avec les enfants
on s’arrangerait avec
les voisins pour qu’ils viennent
puis on irait chercher
ta soeur et son mari
les gars de la scierie
et tous ceux qui voudraient
et on leur parlerait
on s’occuperait ensemble
de toute la vie