quand j’y pense j’ai la tzigane
je me suis dit combien de fois
en regardant passer les ânes
c’est peut-être l’ultime fois
quand j’entends leur pas qui s’éloigne
c’t’un pan de mémoire qui s’en va
comme un muret dans la montagne
messieurs, mesdames, chapeau bas

combien de fois l’tour de la terre
supportant insultes et blessures
et le poids de toutes nos misères
humbles et tranquilles et le pied sûr
baissant le front, courbant l’échine
esquivant les coups de bâtons
jusqu’au plus plus profond de la mine
depuis longtemps vont au charbon

pas mauvais sur toutes les coutures
à part les coups d’sabot ma foi
ce fut quand même la monture
de Jésus et Sancho Pansa
que coule en eux le sang rebelle
de celui que blesse le bât
c’est ce qui m’attire et m’appelle
âne et anar même combat

leurs grands yeux tristes viendraient-ils
de notre manie ridicule
d’affubler le moindre imbécile
de leurs oreilles majuscules
têtu comme un, méchant comme une
sur ce plan, c’est vrai, c’est sans mal
plus bête qu’un, plus rosse qu’une
l’homme a surpassé l’animal

quand j’y pense j’ai la tzigane
je me suis dit combien de fois
en regardant passer les ânes
c’est peut-être l’ultime fois
quand j’entends leur pas qui s’éloigne
c’t’un pan de mémoire qui s’en va
comme un muret dans la montagne
messieurs, mesdames, chapeau bas