Levant le bol fumant entre leurs mains calleuses
Croisant leurs gros souliers sous la table boiteuse
Marqués du jour brûlant sur leurs visages roux
Ils s'asseyaient pesants, ceux du mois d'août

Tout près les regardaient une accorte fermière
Et le vieux soupçonneux qui leur comptait le pain
Quand ils mangeaient taiseux et sans manières
En s'essuyant parfois du revers de la main

Là-bas, en rangs serrés, l’œil aux aguets
Dansaient les blés qu'à l'aube ils couperaient
À coups de gestes fous, ceux du mois d'août
Mais eux, pauvres parias, marins sans écoutille
Dans la paille des granges, ils s'endormaient déjà
Rêvant de vin, rêvant de filles
Et de nuits dans un lit et de jours sans compas

Lestés de quatre sous quand revenait septembre
Souvent le cœur à bout tout autant que leurs membres
Ils repartaient alors par un matin de pluie
Ils repartaient noyés dans l'infini

De loin les regardaient une accorte fermière
Et le vieux soupçonneux, tout content pour son pain
Quand ils marchaient courbés et solitaires
De leur pas hésitant sur l'aride chemin

Là-bas, dans les greniers, si bien doré
Luisait le blé nouveau qu'ils avaient moissonné
À coups de gestes fous, ceux du mois d'août
Mais eux, pauvres forçats enchaînés à leur vie
Ils fuyaient, sachant bien qu'ils fuiraient jusqu'au bout
Rêvant de vin, rêvant de filles
Et de nuits dans un lit et d'étés sans mois d'août