Charles Trenet
Charles Trenet - Jeunesse songtekst
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JEUNESSE Paroles et musique: Charles Trenet Dédié à Henry de Montherlant Laisse-moi te dire, jeunesse, Tout le bien que je pense de toi. Je t'ai surprise, un soir, sur une plage, Allongée sous une lune en copeau, Mais si distraite et si parfaite, Si prête à ne jamais vieillir Que mon coeur fit trois bonds sous ma veste de cuir. Depuis, j'ai disparu. J'ai perdu ton sillage. Je t'ai cherchée sur un bateau Qui traversait le Pacifique. J'ai cru te voir dans une église, Et je suis devenu un pauvre homme, en Auvergne, Sur lequel s'acharne la bise Et qui dort sur un banc et qui parle tout seul. Des enfants armés de cailloux M'ont chassé, Disant: "Hors d'ici. sale aveugle Plein de poux!" - "J'y vois", leur ai-je répondu. Mais le plus méchant, le plus jeune, M'a jeté d'un ton sec: "Tes yeux sont bigles." Alors, comme des ailes d'aigle, J'ai déployé mon grand manteau, Et je fus berger. Des troupeaux j'ai gardé. C'est la règle Quand on est berger... O mes soirs, mes matins! J'ai connu des apothéoses, J'ai souri devant des destins, Devant bien des métamorphoses. J'ai pensé: "Que de sentiers aimables!" Et j'ai vendu mon âme au diable. - "Ô berger En danger, Sais-tu ce qui t'attend?" - "Oui, Satan." Mais, qu'importe le diable, ange ou bête! Qu'importe l'être que je suis! Et demain peut-être, à l'aurore, On se retournera pour voir passer mon ombre, Cette ombre, dans un peignoir à fleurs Qui découvrait de longues jambes saines, Elle se perpétuera toujours, jeunesse Dont le goût de printemps me transforme en héros. Ces héros drapés de légende Que l'amour fit conquistadors Et que les soleils vont surprendre Sur des montagnes baignées d'or, Je les aime pour leur jeunesse Et pour cette virilité Qui remplit notre coeur d'une rude allégresse Et lui donne l'envie des paradis terrestres Dans le charme matériel des sensations. Nous aimons les autos et les rallyes pédestres. A nous, les grandes excursions! Je t'adore, jeunesse éblouissante Qui nous parle d'espoir en nous disant "bientôt" Et qui garde à l'abri, dans les plis du manteau, La fleur d'amour offerte à la petite infante. Je vous ai vues, gamines, sur vos routes, Dans vos villages chauds, vous tenir par les bras, Confiant vos secrets et vos peines dissoutes Et vos rêves et vos désirs et vos appâts. Infantes qui courez, stériles, par le monde, Profitant des baisers qui vous sont destinés, Multipliant sans cesse, brune ou blonde, Votre jeunesse fraîche et vos songes fanés... Sous des cieux différents, vous unissez vos rêves. Dans les gares, sur des vaisseaux, vous les associez En étreignant de mêmes formes. Des nuits brèves Mettent un point final à vos songes liés. Campagnes, écoutez cette grandiloquence Inutile gui fait le rose s'entrouvrir, L'oiseau du ciel pensif dans une course lasse Et le chien de berger, fureteur, qui tracasse L'insoucieux troupeau qui va s'évanouir. Subtil est le jardin et subtile est la rue. Dans leur jeunesse, en un joyeux bataillon, Courent des footballeurs aux maillots écarlates Que nous applaudissons Sans drapeaux, mais avec des roses aux fenêtres! Laisse-moi te dire, jeunesse, Sous le vent frais de ce matin Qui me ramène aux époques anciennes. Laisse-moi t'avouer comme ton souvenir Perpétue la candeur de ta première image Et comme il m'était doux de te sentir mourir Si tendrement offerte sur la plage Que mon crieur sursauta sous ma veste de cuir. Venue de l'océan, une large musique Se noyait dans le ciel puissant. Tes dents riaient. Un long poème nostalgique Jaillissait de ta voix, de tes dents, Pour retomber en cascadant. Amour, je défiais tes rafales, Et le sable que je serrais très fort dans mes deux mains Glissait à lents intervalles, Comme le Temps, comme les jours, comme demain...